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Source : livret d’accueil du Manoir

Le grand salon

 

Ce salon, dit aujourd’hui de Montgaurin, du nom du gendre de Joseph Astor, a été aménagé au milieu du 19ème siècle par Alour Arnoult, qui en fit surélever le plafond. Les boiseries de ce salon sont de style Louis XVI. Deux grandes glaces reflètent à l’infini un lustre monumental, à deux étages de lumière et pendeloques de cristal d’époque Louis XVI. Les panneaux des boiseries étaient jadis occupés par des compositions décoratives à motifs floraux dues à un peintre ami de la famille, Théophile Deyrolle.

A gauche en entrant, on peut voir un buste de bigoudène. La taille de la coiffe peut surprendre. Il faut savoir que l’augmentation de la taille des coiffes ne date en réalité, pour l’essentiel, que de l’entre-deux guerres. La légende voudrait que les femmes de ce pays aient fait monter leurs coiffes en souvenir de la répression de la révolte des bonnets rouges. En 1675, une révolte a secoué la Bretagne rurale, écho de la révolte du papier timbré la même année (contre de nouveaux impôts instaurés par Louis XIV). La réaction des autorités ne se fit pas attendre. Pour punir les bigoudens, en pointe dans ce mouvement, le gouverneur de Bretagne, le duc de Chaulnes, fit décapiter les clochers des paroisses les plus rebelles. Les femmes de ce pays auraient par bravade voulu porter sur leurs têtes les clochers détruits. Il s’agit là en réalité d’une légende car les coiffes ne commencèrent réellement à « monter » que tardivement (entre les deux guerres). La jalousie féminine, la volonté d’afficher sa richesse ou de faire mieux que sa voisine, les rivalités de clochers, la recherche de l’élégance et de la prouesse (ce n’était pas facile de poser sa coiffe tous les matins), la volonté de se distinguer de ses voisines, sot les véritables explications à la hauteur de la coiffe bigoudène, qui a culminé à près de 35 cm dans les années 1950 ! Il faut signaler que l’architecte Joseph Bigot assura en 1774 la construction d’une nouvelle flèche sur l’église de la paroisse bigoudène de Combrit (sortie Pont-L’Abbé, direction Bénodet). Le mot « bigouden », attesté pour la première fois dans les années 1830, serait-il une déformation de Bigot ?

Sur la cheminée est disposée une pendule d’albâtre d’époque Restauration. De part et d’autre, on peut voir des lampes à pétrole en porcelaine d’Imari. Entre les deux fenêtres, sur une console Louis XV, un petit cabinet de voyage pour dames (du 18ème siècle), dans le goût italien (réalisé suivant la technique « arte povera » qui consiste à découper une gravure, la coller sur le support et peindre l’ensemble). En face, on a une commode Louis XVI, dite pantalonnière car le tiroir du haut est moins large. A gauche en entrant, une table en marqueterie d’époque Louis-Philippe. Devant la cheminée, les fauteuils sont d’époque Charles X. Le maître mot en matière d’ameublement était en effet à la fin du 19ème siècle l’éclectisme. Dans le coin à gauche de la cheminée, une table de jeu Napoléon III, en palissandre de Rio.

Les tableaux qui ornent les murs de ce salon sont presque tous d’inspiration bretonne, comme en témoignent les sujets traités : coiffes bretonnes, pardons, naufrages. Leurs auteurs sont des peintres installés en Bretagne que Joseph Astor avait choisi d’aider : Charles Cottet, Maurice Denis, Louis Désiré-Lucas. L’attrait pour la Bretagne et ses mystères est né à la fin du 18ème siècle lorsqu’un poète écossais, Mac Pherson, prétendit avoir retrouvé les écrits d’un ancien barde, Ossian. Ce recueil eut beaucoup de succès. L’atmosphère romantique du début du 19ème siècle a contribué à populariser l’image de la Bretagne. Le Second Empire a favorisé cette celtomanie.

Si plusieurs artistes isolés avaient déjà commencé à peindre la Bretagne, l’arrivée du train à Quimper en 1863 renforça e mouvement. Les toiles rassemblées dans le Grand salon permettent de rappeler que Charles Cottet (1863-1925) a contribué à la célébrité de Camaret. (Les feux de la Saint-Jean à gauche en entrant, la Procession près de la fenêtre). Il appartenait à ce groupe que l’on a appelé à la fin du 19ème siècle la « bande noire » en raison du caractère lugubre de certaines de leurs toiles. On peut aussi voir une toile de Louis Désiré-Lucas, un peintre de Douarnenez et une autre de Yann Dargent, le peintre des fresques de la cathédrale de Quimper. Au fond, à gauche, un espace réservé aux marines et aux paysages littoraux. Remarquez particulièrement une huile sur bois intitulée Marine, due à Jules Noël, le plus grand paysagiste breton du 19ème siècle, ami de Joseph Astor. Avant de pénétrer dans la salle de billard, figurent deux toiles de Lucien Simon. Installé à Sainte-Marine au tout début du siècle, il fut le peintre des bigoudènes, des costumes et des coiffes.

La plus célèbre école de peinture, l’école de Pont-Aven, n’est pas directement représentée dans les collections Astor. Cependant, plusieurs toiles peuvent s’y rattacher. Le Pardon de Notre-Dame de la Clarté et Daphnis et Chloé, de part et d’autre de la porte d’entrée, ont pour auteur Maurice Denis (1870-1943). Très influencé par Gauguin, comme en témoignent les couleurs des toiles, il a fondé le groupe des Nabis (prophètes en hébreu). Très religieux, les Nabis venaient en Bretagne à seule fin de peindre des pardons et des processions. Maurice Denis a fondé en 1919 les Ateliers d’Art Sacré avec Georges Desvallières (1861-1950). La collection Astor comprend une petite gouache de ce dernier artiste. Elle est intitulée Notre-Dame des Naufragés et figure près du tableau de Cottet Les feux de la Saint-Jean.

Grand salon
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